[Témoignage] Renforcer la prise en charge des patients durant l’épidémie
3 questions à Muriel HUSSET, Directrice Générale du Service Santé au Travail 72 au Mans.
Afin de venir en aide au SAMU et Centres Hospitaliers durant l’épidémie, les Services de Santé au Travail Interentreprises se mobilisent en mettant à disposition leurs centres et leurs équipes pour le dépistage du Covid-19. La direction du Service Santé au Travail 72 (ST 72) au Mans, témoigne.
Pouvez-vous revenir sur la création du dispositif CovAmbu 72 et son fonctionnement ?
Aujourd’hui, dans la Sarthe, 35 000 personnes se retrouvent sans médecin généraliste, parmi elles, de nombreux salariés. Quand ils commencent à avoir un peu de fièvre, mal à la tête ou d’autres symptômes identifiés comme ceux du Covid-19, ils appellent le 15. On peut également citer ces personnes suspectées de contamination suite à un examen clinique réalisé par le médecin traitant et qui doivent se faire dépister. Face à cette forte demande, le Président du Conseil de l’Ordre des Médecins de la Sarthe a fait part au Centre Hospitalier du Mans du potentiel vivier de professionnels de santé au travail disponibles à Santé au Travail 72.
25 infirmiers et 17 médecins se sont portés volontaires pour faire partie du dispositif CovAmbu 72, permettant au SAMU d’envoyer des patients sur notre plateforme organisée au niveau départemental. Nous avons aujourd’hui 6 centres Santé au Travail 72, 3 Maisons de Santé Pluridisciplinaires et 1 centre IRSA dédiés, dans lesquels un infirmier est à l’accueil, un médecin et un infirmier consultent les patients, et des assistantes médicales gèrent le matériel. Une plateforme téléphonique gérée par des infirmiers a été mise en place. Ils sont en charge notamment de donner les rendez-vous au plus près des habitations des patients, où ils sont reçus par un médecin du travail pour une consultation. Suivant l’état de santé du patient, le médecin prescrit un dépistage, le prélèvement est réalisé sur place par un infirmier. Deux jours après, le médecin reçoit les résultats et contacte le patient pour l’en informer. Si le résultat est négatif, nous lui préconisons de continuer à prendre régulièrement sa température et de rappeler le 15 pour toute question ou souci. Si le résultat est positif, nous effectuons un suivi par téléphone afin de constater l’évolution de l’état de santé et vérifier que ces personnes vont bien. A partir de la fin de semaine, les infirmiers renforceront ce suivi avec des appels à J+7, J+10 et J+14 des premiers symptômes, sachant que le pic est entre le 7ème jour et le 10ème jour. Nous avons reçu 93 personnes depuis l’ouverture vendredi dernier et pensons en recevoir entre 15 et 20 par jour et par centre dans les prochains jours.
Comment conciliez-vous le fonctionnement du dispositif CovAmbu72 et l’activité de votre SSTI auprès de ses adhérents ?
Notre activité première de santé au travail a fortement baissé la semaine dernière compte tenu des nombreuses fermetures d’entreprises et des mesures de confinement qui ont entrainé des annulations de rendez-vous. Nous continuons cette activité auprès de nos adhérents dans notre grand centre, au Mans, avec une permanence d’une vingtaine de professionnels. Les médecins y font les visites de reprises, d’embauches et visites à la demande urgentes. Nous avons mis en place deux lignes directes : des assistantes en santé au travail et des infirmiers sont sur place afin de répondre et conseiller les adhérents et leurs salariés par téléphone, et si besoin organiser un rendez-vous pour une consultation. Nous recevons beaucoup d’appels de nos adhérents relatifs à l’épidémie de Covid-19, notamment concernant les normes de sécurité à mettre en place. Nous échangeons aussi avec les Branches professionnelles du département, elles-mêmes sollicitées par leurs adhérents.
Si nécessaire, nous déploierons sur le département d’autres professionnels de santé au travail dans nos autres centres afin que nos adhérents puissent avoir une consultation proche de chez eux. Parmi nos adhérents, nous avons de nombreuses entreprises essentielles à la continuité de la vie de la Nation (dans les secteurs du transport, de la grande distribution ou encore de la santé) qui nécessitent que leurs salariés fassent leur visite de reprise pour continuer leur activité. Nous allons potentiellement augmenter le nombre de centres dédiés au dispositif CovAmbu 72 en fonction de l’évolution de l’épidémie et des besoins.
ST72 reste une entreprise comme les autres, certains de nos salariés sont contraints de rester chez eux pour garder leurs enfants, cependant, nous avons pour objectif de continuer à travailler au maximum sur les deux plans, c’est-à-dire de pouvoir continuer notre activité de conseil et de suivi auprès des adhérents et de leurs salariés mais aussi d’aider la population grâce au dispositif CovAmbu 72.
Ce dispositif, qui implique votre SSTI, est-il bien identifié ?
Ce dispositif est une évidence pour nous.
Les médecins du travail sont des professionnels de santé. Ils apportent naturellement leur contribution durant cette période en se mettant à disposition du Centre Hospitalier pour pouvoir délester le SAMU, de façon à ce qu’il puisse s’occuper des cas graves et des accidents de la vie. Le Centre Hospitalier du Mans apprécie notre collaboration qui leur a donné plus de la souplesse dans la gestion des patients liés à l’épidémie.
Mais pour l’instant ce dispositif n’a pas une grande visibilité, notamment auprès de nos entreprises adhérentes. Les salariés et la population en général, qui connaissent assez mal le rôle de prévention de nos services de santé au travail, ont l’occasion de nous découvrir. Aujourd’hui, des personnes relativement jeunes sont venues pour un dépistage et nous ont fait la remarque qu’ils ne savaient pas qu’un service de santé au travail pouvait faire ces choses-là. Même si ce n’est pas l’objectif premier, ces circonstances dramatiques permettront peut-être une meilleure conscience que leur service de santé au travail peut faire beaucoup de choses pour eux et que nous sommes vraiment un service à disposition des entreprises, des salariés mais aussi de la population en temps de guerre contre le virus.