[Témoignage] Les nouvelles technologies au service de la (prévention en) santé au travail pendant la crise sanitaire
3 questions à Florence Thorin, Directrice de l’Association de Prévention et Santé au Travail du Cher (APST 18).
Les services de santé au travail interentreprises (SSTI) se transforment par l’usage de technologies innovantes afin d’être plus efficaces en termes de prévention et de santé au travail. La direction de l’Association de Prévention et Santé au Travail du Cher témoigne.
Comment s’est organisée l’APST 18 pour faire face à cette situation inédite ?
L’APST 18 suit près de 60 000 salariés dans 6 000 entreprises adhérentes. Nous avons 7 centres fixes qui sont répartis sur tout le territoire du Cher, dont 3 centres plus conséquents. Nous avons pu assurer la continuité de nos missions dès l’annonce du confinement puisque nous étions déjà tous équipés pour télétravailler. En effet, nous avons été le premier SSTI en 2017 à utiliser un logiciel métier, Padoa, qui intègre un module de téléconsultation. Avant ces mesures de confinement, nous pratiquions déjà la téléconsultation occasionnellement, car nous couvrons un territoire assez large et voulions anticiper des pénuries de professionnels de santé et ainsi rationaliser le temps médical. Aujourd’hui, la quasi-totalité de nos professionnels de santé est en télétravail et a sa ligne fixe transférée sur une ligne personnelle. Toutes les visites nécessaires ont été maintenues en téléconsultation et pour certaines en présentiel : la téléconsultation est devenue la règle et le présentiel l’exception. Les Intervenants en Prévention des Risques Professionnels (IPRP) s’adaptent pour travailler à distance également en réalisant leurs visites en téléobservation/entretien. Nous avons gardé ouverts 3 centres stratégiques en terme de couverture territoriale afin de réaliser les visites médicales pour les salariés travaillant dans les secteurs essentiels à la continuité de la vie de la Nation qui ne pouvaient pas être faites en téléconsultation, c’est-à-dire pour lesquelles un examen clinique est nécessaire.
Notre logiciel permet d’extraire facilement des données sur nos entreprises adhérentes et leurs salariés. Grâce à celles-ci, nos médecins du travail ont pu cibler directement les entreprises qui restaient en activité pour les contacter afin de déterminer leurs besoins, leur rappeler les consignes de prévention en santé au travail durant cette crise sanitaire et leur communiquer les informations à transmettre aux salariés. Ils ont également pu rapidement identifier les salariés les plus fragiles, qui ont été contactés par les infirmières afin de vérifier que les moyens de prévention mis en place étaient adaptés à leur état de santé. Nous adaptons bien sûr le ciblage au fur et à mesure, en fonction des nouvelles directives du Gouvernement.
Qu’est-ce que vos nouveaux moyens technologiques apportent dans cette période et comment les avez-vous intégrés dans votre organisation ?
Avec notre logiciel, nous disposons d’une plateforme collaborative et évolutive de santé au travail donnant accès à des espaces dédiés pour le SSTI, les employeurs et les salariés. Elle offre notamment aux professionnels de santé l’accès et l’écriture dans le dossier des entreprises et le dossier médical en santé travail des salariés, et un processus de téléconsultation juridiquement sécurisé. Elle évolue rapidement et régulièrement en termes de fonctionnalités en fonction des besoins de notre activité. Elle facilite aussi la vie des entreprises en leur donnant notamment un accès à l’information plus rapide et plus simple, ce qui est précieux durant cette crise.
Nous avons mis en place ce nouvel outil dans notre service parce que nous avions la volonté de nous transformer. Nous voulions replacer les entreprises et les salariés au cœur du dispositif en faisant d’eux des partenaires de la prévention en santé au travail. Le volet administratif a été complètement allégé par cette transformation numérique. L’ensemble du processus de convocation aux visites est réalisé automatiquement, ce qui permet à nos assistantes en santé au travail de travailler maintenant sur le volet conseil auprès des adhérents et de leurs salariés. C’est particulièrement important en ce moment. La technologie a réellement été mise au service de la transformation de notre SSTI et a permis d’envisager une santé au travail plus adaptable et plus efficace en termes de prévention et de suivi.
Comment apportez-vous votre soutien au secteur sanitaire dans la crise actuelle ?
Dans notre département, l’Agence Régionale de Santé (ARS) et la Communauté Professionnelle Territoriale de Santé (CPTS) nous ont sollicités pour venir en aide aux hôpitaux et aux médecins libéraux qui sont débordés et n’arrivent pas à faire face au nombre de demandes. Compte tenu de notre baisse d’activité, liée à la fermeture d’entreprises, nous étions en capacité de pouvoir gérer notre mission de santé au travail et un appui au secteur de soin. Nous avons donc mis à disposition du CPTS/ARS du matériel informatique, des lignes téléphoniques et des équipes pour leur prêter main forte en libérant notamment notre siège et différant nos visites présentielles de santé au travail dans un autre centre à 10km.
Notre siège à Bourges a été transformé en une plateforme incluant 3 cellules avec une coordinatrice Médecin du travail de l’APST18 en relai du CPTS :
- Une plateforme téléphonique en relai du SAMU sur laquelle 20 médecins et infirmiers se relaient 7j/7, parmi lesquels 10 professionnels de santé au travail de notre service (7 médecins, 3 infirmiers) ;
- Une plateforme logistique : nous faisons des demandes de dons d’Équipements de Protection Individuelle (EPI) auprès de nos entreprises adhérentes afin de les fournir aux soignants. Tout ce matériel (masques, blouses, gants, etc.) est centralisé à notre siège puis est redistribué en fonction des besoins aux soignants du Cher ;
- Une cellule de soutien psychologique aux soignants.
Notre maillage territorial et la connaissance des acteurs locaux nous ont permis d’être plus efficace dans ces démarches. Lorsqu’on nous a sollicités, il a été naturel en tant qu’acteur de santé du territoire de venir en aide à nos collègues de la santé publique qui avaient besoin de ressources matérielles et humaines pour les aider dans la gestion de cette crise sanitaire.