Délégation des missions, suivi des indépendants… : parution de nouveaux décrets d’application de la réforme Santé-Travail
Pour mémoire, on rappellera que la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 a notamment prévu que le médecin du travail peut déléguer, sous sa responsabilité et dans le respect du projet de service pluriannuel, certaines missions aux membres de l’équipe pluridisciplinaire disposant de la qualification nécessaire. Pour les professions dont les conditions d’exercice relèvent du code de la santé publique, lesdites missions sont exercées dans la limite des compétences des professionnels de santé prévues par ce même code.
C’est par ce Décret en Conseil d’Etat, que les conditions en sont précisées.
Les dispositions de l’article R4623-1 du code du travail, relatives aux missions du médecin du travail, sont modifiées en conséquence, ainsi que celles de l’article R.4623-14, relatives à ses modalités d’exercice ; comme suit (au II) :
« II. – Le médecin du travail peut toutefois confier, dans le cadre de protocoles écrits, les visites et examens relevant du suivi individuel des travailleurs aux collaborateurs médecins et aux internes en médecine du travail.
« Le médecin du travail peut également confier, selon les mêmes modalités, à un infirmier en santé au travail la réalisation des visites et examens prévus au chapitre IV du titre II du livre VI de la quatrième partie du présent code, à l’exclusion de l’examen médical d’aptitude et de son renouvellement mentionnés aux articles R. 4624-24 et R. 4624-25 et de la visite médicale mentionnée à l’article R. 4624-28-1 [visite médicale de fin de carrière], sous les réserves suivantes :
« 1° Ne peuvent être émis que par le médecin du travail les avis, propositions, conclusions écrites ou indications reposant sur des éléments de nature médicale ;
« 2° Lorsqu’il l’estime nécessaire pour tout motif, notamment pour l’application du 1°, ou lorsque le protocole le prévoit, l’infirmier oriente, sans délai, le travailleur vers le médecin du travail qui réalise alors la visite ou l’examen.
« III. – Le médecin du travail peut également confier des missions, à l’exclusion de celle
s mentionnées au II, aux personnels concourant au service de prévention et de santé au travail et, lorsqu’une équipe pluridisciplinaire a été mise en place, aux membres de cette équipe.
« IV. – Les missions déléguées dans le cadre des II et III sont :
« 1° Réalisées sous la responsabilité du médecin du travail ;
« 2° Adaptées à la formation et aux compétences des professionnels auxquels elles sont confiées ;
« 3° Exercées dans la limite des compétences respectives des professionnels de santé déterminées par les dispositions du code de la santé publique pour les professions dont les conditions d’exercice relèvent de ce code ;
« 4° Mises en œuvre dans le respect du projet de service pluriannuel lorsque les missions sont confiées aux membres de l’équipe pluridisciplinaire. »
En d’autres termes, indépendamment du régime spécifique du collaborateur médecin dans le cadre de sa pratique au sein du Service, ce dernier peut en outre réaliser des visites ou examens sur protocoles du médecin du travail. Il en est de même de l’interne.
Les infirmiers peuvent, pour leur part, également se voir confier la réalisation de visites ou examens relevant du suivi individuel des travailleurs, mais sans émettre d’avis, propositions, conclusions ou indications reposant sur des éléments de nature médicale.
Les infirmiers ne peuvent en tout état de cause pas réaliser les visites et examens, dans ce présent cadre, lorsqu’il s’agit de l’aptitude ou de la visite de fin de carrière.
On précisera ici que la visite médicale de mi-carrière fait l’objet d’un autre régime, différent, relevant de l’exercice infirmier en pratique avancée et régis par d’autres dispositions.
En pratique, le présent Décret semble permettre la participation des IDE au suivi individuel des travailleurs, tant qu’aucun constat ou mesure fondés sur des «éléments de nature médicale » ne sont requis.
En complément, on relèvera que les membres de l’équipe peuvent se voir en outre confier des missions par le médecin du travail, si toutefois celles-ci ne relèvent pas de la compétence spécifique des professionnels de santé.
On observera ensuite, que ce Décret abroge l’article R.4623-9 du code du travail, relatif au recrutement de l’infirmier et de son inscription à une formation en santé au travail dans les douze mois suivants s’il n’est déjà formé. Mais on ajoutera que cette obligation de formation a été élevée au rang législatif et que des dispositions réglementaires sont attendues quant à sa formation spécifique en santé au travail (pour appliquer l’article L4623-10 nouveau).
L’article R4623-35 prévoyant l’avis du ou des médecins du travail, avant le recrutement de l’infirmer, est également abrogé.
Ce même Décret créée par ailleurs, le régime réglementaire dédié à la « télésanté au travail ».
On rappellera à ce titre, que la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 a notamment prévu que les professionnels de santé que sont le médecin du travail, le collaborateur médecin, l’interne et l’infirmier au sein du Service « peuvent recourir à des pratiques médicales ou de soins à distance utilisant les technologies de l’information et de la communication pour le suivi individuel du travailleur, compte tenu de son état de santé physique et mental ».
Un Décret en Conseil d’Etat devait en préciser les modalités, et c’est ce Décret n°2022-679 du 26 avril.
Ce texte ajoute en conséquence de nouveaux articles (R. 4624-41-1 à R.4624-41-6) au paragraphe « Télésanté au travail », dans la partie règlementaire du Code du travail.
On relèvera qu’il y est expressément indiqué que la pertinence de la réalisation à distance d’une visite ou d’un examen est appréciée par le seul professionnel de santé et que le consentement ainsi que la confidentialité des échanges sont tout autant consacrés.
Pour mémoire, la loi n°2021-1018 du 2 août 2021 a créé les articles L.4621-3 et L4621-4 du code du travail, aux termes desquels « les travailleurs indépendants relevant du livre VI du code de la sécurité sociale peuvent s’affilier au service de prévention et de santé au travail de leur choix. Ils bénéficient d’une offre spécifique de services en matière de prévention des risques professionnels, de suivi individuel et de prévention de la désinsertion professionnelle ».
Le Décret n°2022-681 du 26 avril vient en déterminer les modalités d’application.
Il précise notamment que chaque service doit proposer une telle offre de service, dont il fixe le contenu en fonction des besoins de ces travailleurs et que l’affiliation est d’une durée minimale d’un an.
Ce même Décret précise par ailleurs, s’agissant des travailleurs des entreprises extérieures exerçant des activités sur le site d’une entreprise ayant son propre service de prévention, que la convention prévue à l’article L4622-5-1 du code du travail – visant à organiser de manière conjointe entre ce service et le SPST dont relèvent ces salariés – est requise lorsque leur intervention est « permanente » ou lorsque deux conditions réglementaires sont cumulées quant au nombre d’heures de travail prévisibles et l’exposition à des risques particuliers (voir le nouvel article D.4625-34-1).
Enfin, de façon expérimentale, sur volontariat et pour une durée de trois ans, le Décret précise les conditions permettant une action de prévention collective par un professionnel de santé, au bénéfice des travailleurs temporaires (article 2 dudit Décret).
Ce Décret vient actualiser les dispositions du code de la sécurité sociale, quant à la prise en charge de la surveillance médicale post-professionnelle (pour tous les cas de cessation d’exposition la requérant).