Publication du décret relatif au médecin praticien correspondant
(Décret n° 2023-1302 du 27 décembre 2023)
Pour rappel, la loi du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail a notamment créé la possibilité pour un médecin, non titulaire du diplôme spécial obligatoire pour exercer les fonctions de médecin du travail, de contribuer, sous certaines conditions, au suivi médical du travailleur.
Un décret et plusieurs arrêtés étaient depuis attendus. Le décret susvisé a été publié au journal officiel du 29 décembre 2023.
Rappel des dispositions légales
Article L. 4623-1 Code du travail
I. Un diplôme spécial est obligatoire pour l’exercice des fonctions de médecin du travail.
II. Par dérogation I, un décret fixe les conditions dans lesquelles les services de santé au travail peuvent recruter, après délivrance d’une licence de remplacement et autorisation par les conseils départementaux compétents de l’ordre des médecins, à titre temporaire, un interne de la spécialité qui exerce sous l’autorité d’un médecin du travail du service de santé au travail expérimenté.
III. Par dérogation au premier alinéa I., un décret fixe les conditions dans lesquelles un collaborateur médecin, médecin non spécialiste en médecine du travail et engagé dans une formation en vue de l’obtention de cette qualification auprès de l’ordre des médecins, exerce, sous l’autorité d’un médecin du travail d’un service de santé au travail et dans le cadre d’un protocole écrit et validé par ce dernier, les fonctions dévolues aux médecins du travail.
IV. Par dérogation au I, un médecin praticien correspondant, disposant d’une formation en médecine du travail, peut contribuer, en lien avec le médecin du travail, au suivi médical du travailleur prévu à l’article L. 4624-1, à l’exception du suivi médical renforcé prévu à l’article L. 4624-2, au profit d’un service de prévention et de santé au travail interentreprises. Le médecin praticien correspondant ne peut cumuler sa fonction avec celle de médecin traitant définie à l’article L. 162-5-3 du code de la sécurité sociale.
Le médecin praticien correspondant conclut avec le service de prévention et de santé au travail interentreprises un protocole de collaboration signé par le directeur du service et les médecins du travail de l’équipe pluridisciplinaire. Ce protocole, établi selon un modèle défini par arrêté des ministres chargés du travail et de la santé, prévoit, le cas échéant, les garanties supplémentaires en termes de formation justifiées par les spécificités du suivi médical des travailleurs pris en charge par le service de prévention et de santé au travail interentreprises et définit les modalités de la contribution du médecin praticien correspondant à ce suivi médical.
La conclusion d’un protocole de collaboration sur le fondement du deuxième alinéa du présent IV n’est autorisée que dans les zones caractérisées par un nombre insuffisant ou une disponibilité insuffisante de médecins du travail pour répondre aux besoins du suivi médical des travailleurs, arrêtées par le directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétente, après concertation avec les représentants des médecins du travail.
Les modalités d’application du présent IV sont déterminées par décret en Conseil d’État.
Article L. 4623-3 Code du travail
Le médecin du travail est un médecin autant que possible employé à temps complet qui ne pratique pas la médecine de clientèle courante.
Ces dispositions ne sont pas applicables au médecin praticien correspondant mentionné au IV de l’article L. 4623-1.
Article L. 4624-1 Code du travail
Tout travailleur bénéficie, au titre de la surveillance de l’état de santé des travailleurs prévue à l’article L. 4622-2, d’un suivi individuel de son état de santé assuré par le médecin du travail et, sous l’autorité de celui-ci, le médecin praticien correspondant et, sous l’autorité du médecin du travail par le collaborateur médecin mentionné à l’article L. 4623-1, l’interne en médecine du travail et l’infirmier.
Ce suivi comprend une visite d’information et de prévention effectuée après l’embauche par l’un des professionnels de santé mentionnés au premier alinéa du présent article. Cette visite donne lieu à la délivrance d’une attestation. Un décret en Conseil d’Etat fixe le délai de cette visite0. Le modèle de l’attestation est défini par arrêté.
Le professionnel de santé qui réalise la visite d’information et de prévention peut orienter le travailleur sans délai vers le médecin du travail, dans le respect du protocole élaboré par ce dernier.
Les modalités et la périodicité de ce suivi prennent en compte les conditions de travail, l’état de santé et l’âge du travailleur, ainsi que les risques professionnels auxquels il est exposé.
Tout travailleur qui déclare, lors de la visite d’information et de prévention, être considéré comme travailleur handicapé au sens de l’article L. 5213-1 du présent code et être reconnu par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées mentionnée à l’article L. 146-9 du code de l’action sociale et des familles, ainsi que tout travailleur qui déclare être titulaire d’une pension d’invalidité attribuée au titre du régime général de sécurité sociale ou de tout autre régime de protection sociale obligatoire, est orienté sans délai vers le médecin du travail et bénéficie d’un suivi individuel adapté de son état de santé.
Tout salarié peut, lorsqu’il anticipe un risque d’inaptitude, solliciter une visite médicale dans l’objectif d’engager une démarche de maintien dans l’emploi.
Tout travailleur de nuit bénéficie d’un suivi individuel régulier de son état de santé. La périodicité de ce suivi est fixée par le médecin du travail en fonction des particularités du poste occupé et des caractéristiques du travailleur, selon des modalités déterminées par décret en Conseil d’Etat.
Le rapport annuel d’activité, établi par le médecin du travail, pour les entreprises dont il a la charge, comporte des données présentées par sexe. Un arrêté du ministre chargé du travail fixe les modèles de rapport annuel d’activité du médecin du travail et de synthèse annuelle de l’activité du service de santé au travail.
Le décret précité vient donc déterminer les critères géographiques, les impératifs de formation, de protocolisation, et de financement de la collaboration du SPSTI avec le médecin praticien correspondant.
Il prévoit ainsi les dispositions suivantes :
- Formation
Article R.4623-41 du Code du travail
Le médecin praticien correspondant, mentionné au IV de l’article L. 4623-1, est un médecin non spécialiste en médecine du travail. Il dispose, au moment de la conclusion du protocole de collaboration avec le ou les services de prévention et de santé au travail interentreprises mentionnés à l’article R. 4623-43, d’une formation en santé au travail d’au moins cent heures théoriques, visant à acquérir des compétences au minimum dans les domaines suivants :
« 1° La connaissance des risques et pathologies professionnels et les moyens de les prévenir ;
« 2° Le suivi individuel de l’état de santé des salariés incluant la traçabilité des expositions et la veille sanitaire et épidémiologique ;
« 3° La prévention de la désinsertion professionnelle.
« Cette formation est délivrée par un établissement public à caractère scientifique, culturel et professionnel ou par un ou plusieurs organismes certifiés dans les conditions prévues par l’article L. 6316-1, qui atteste de sa validation.
« Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, un médecin non spécialiste en médecine du travail peut, lorsqu’il conclut pour la première fois un protocole de collaboration, recevoir la formation que ces dispositions mentionnent dans l’année qui suit la conclusion de ce protocole. Le lien avec le médecin du travail est renforcé jusqu’à la délivrance de l’attestation de la validation de la formation suivie, dans les conditions prévues à l’article R. 4523-43.
« Lorsqu’un médecin non spécialiste en médecine du travail devient médecin praticien correspondant pour la première fois, sa collaboration est précédée d’un séjour d’observation d’au moins trois jours dans le service de prévention et de santé au travail interentreprises avec lequel la collaboration est engagée.
Diagnostic territorial
Art. R. 4623-42 du Code du travail
Le directeur général de l’agence régionale de santé territorialement compétent se fonde sur un diagnostic territorial en matière de santé au travail pour déterminer par arrêté, pour une durée maximum de cinq ans, révisable en tant que de besoin et en concertation avec les représentants régionaux du conseil de l’Ordre des médecins, la ou les zones caractérisées par un nombre ou une disponibilité insuffisants de médecins du travail, justifiant le recours aux médecins praticiens correspondants.
« A cette fin, le directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités fournit au directeur général de l’agence régionale de santé tout élément utile pour apprécier la couverture des besoins en médecine du travail des entreprises sur le territoire de la région, après consultation du comité régional d’orientation des conditions de travail.
« Cette appréciation tient notamment compte de l’effectif maximal de travailleurs suivis par les médecins du travail ou les équipes pluridisciplinaires ainsi que de la situation des services de prévention et de santé au travail interentreprises au regard de leur capacité à disposer des moyens nécessaires à la réalisation des missions prévues à l’article L. 4622-2.
- Protocole réglementaire
Art. R. 4623-43 du Code du travail
Le protocole de collaboration, conforme au modèle défini par arrêté des ministres chargés du travail et de la santé et conclu entre le médecin praticien correspondant, le ou les médecins du travail de l’équipe pluridisciplinaire concernée et le directeur du service de prévention et de santé au travail interentreprises prévoit notamment :
– jusqu’à la délivrance de l’attestation de la validation de la formation suivie par le médecin praticien correspondant, les modalités de mise en œuvre du lien renforcé avec le médecin du travail, mentionné à l’article R. 4623-41 ;
– les types de visites ou d’examens médicaux confiés au médecin praticien correspondant dans le respect des dispositions du IV de l’article L. 4623-1 ;
– les moyens matériels, les informations et les documents nécessaires à l’accomplissement de sa mission et mis à la disposition du médecin praticien correspondant par le service de prévention et de santé au travail interentreprises ;
– les modalités de recours par le médecin praticien correspondant aux outils de télésanté au travail ;
– les modalités de convocation des travailleurs aux visites et examens médicaux assurés par le service de prévention et de santé au travail interentreprises ;
– les modalités de réorientation des travailleurs par le médecin praticien correspondant vers le médecin du travail ;
– les modalités d’accès du médecin praticien correspondant au dossier médical en santé au travail et d’alimentation par celui-ci de ce dossier, dans le respect des conditions prévues par les articles R. 4624-45-3 à R. 4624-45-9.
Suivi médical délimité
Art. R. 4623-44 du Code du travail
A l’issue de chaque visite ou examen le médecin praticien correspondant délivre une attestation de suivi au travailleur et à l’employeur mentionnée à l’article L. 4624-1. Il peut, s’il l’estime nécessaire, orienter sans délai le travailleur vers le médecin du travail dans le respect du protocole mentionné à l’article R. 4623-43. Il ne peut pas proposer de mesures d’aménagement prévues à l’article L. 4624-3, ni déclarer un travailleur inapte à son poste de travail, en application des dispositions de l’article L. 4624-4.
Financement
Art. R. 4623-45 du Code du travail
Un arrêté pris par les ministres chargés du travail et de la santé après consultation de l’assurance maladie et du conseil d’orientation des conditions de travail détermine les montants minimaux et les montants maximaux de la rémunération due au médecin praticien correspondant par le service de prévention et de santé au travail interentreprises.
En synthèse, le médecin praticien correspondant est un médecin non spécialiste en médecine du travail, qui doit bénéficier d’une formation en santé au travail d’au moins cent heures théoriques visant à acquérir des compétences minimums dans les domaines visés par le décret. Un protocole de collaboration avec le(s) SPSTI doit être conclue entre le médecin praticien correspondant et le(s) SPSTI.
Lorsque le médecin non spécialiste en médecine du travail devient un médecin praticien correspondant pour la fois, il doit nécessairement bénéficier d’un séjour d’observation d’au moins 3 jours dans le SPSTI avec lequel la collaboration est engagée.
Un arrêté à paraître devra fixer le modèle du protocole de collaboration.
Par ailleurs, un arrêté définira la ou les zones par un nombre ou une disponibilité insuffisants de médecins du travail, justifiant le recours aux médecins praticiens correspondants.
On observa ici que le MCP ne peut en tout état de cause pas proposer de mesures d’aménagement (L. 4324-3) ni prononcer d’inaptitude.
Enfin, un arrêté à paraître déterminera les montants minimaux et les montants maximaux de la rémunération due au médecin praticien correspondant par le SPSTI.
En principe, si l’entrée en vigueur des dispositions devait être fixée au plus tard le 1er janvier 2023, finalement, compte tenu de la date de parution tardive du décret, son entrée en vigueur est fixée au 30 décembre 2023 (qui correspond au lendemain de la publication du texte).
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